Ma proposition de loi « tendant à la simplification et à l’équilibre du droit pénal et de la procédure pénale » est désormais consultable sur le site du Sénat et a été co-signée par plus d’une vingtaine de sénateurs LR.
Voici ma chronique sur le sujet parue dans le journal La Croix le 9 juin dernier :
Le débat politique sur la justice est d’une rare monotonie : à ceux qui s’indignent de son « laxisme » et de son « irresponsabilité » s’opposent ceux qui dénoncent l’esprit « sécuritaire », le « tout répressif » et le « tout carcéral ». Pendant que ce rituel se déroule, il serait malséant de se pencher sur le fonctionnement effectif du système judiciaire. Ainsi, chaque fait divers mis en avant par les médias finit par déboucher tantôt sur de nouvelles incriminations, tantôt sur de nouveaux « droits » pour les accusés ou pour les victimes : à chaque fois un texte de plus, qui dégradera d’autant le quotidien des juridictions.
Ne faudrait-il pas prendre la question par l’autre bout ? Avant de disserter sur les priorités de la politique pénale, ne faudrait-il pas s’assurer que le fonctionnement de la justice n’est pas entravé, non seulement par l’insuffisance manifeste de ses moyens, mais aussi par des règles de procédure conduisant à des situations absurdes, qui ne peuvent que saper la confiance des citoyens ?
Un tribunal prononce une peine de quatre ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt à l’encontre d’un cambrioleur multirécidiviste. Malheureusement la salle est vide : le prévenu vient de partir sans laisser d’adresse. Laxisme intolérable ? Mais non : les magistrats ne disposaient d’aucun moyen juridique pour le contraindre à rester jusqu’au prononcé du jugement.
Un prévenu en détention provisoire demande sa mise en liberté. Le débat doit avoir lieu par visioconférence. Au dernier moment, l’avocat refuse le recours à cette technique. Craint-il qu’elle ne soit défavorable à son client ? Pas du tout : il sait qu’il va falloir une nouvelle convocation pour qu’un nouveau débat se tienne, cette fois après extraction du détenu de la maison d’arrêt. Seulement la loi interdit une nouvelle convocation avant un délai de cinq jours : d’ici là, le prévenu aura été libéré d’office.
La chambre de l’instruction d’une Cour d’appel remet en liberté deux hommes accusés d’avoir tiré sur un policier après avoir commis des braquages. Motif : deux lignes manquaient au procès-verbal numérisé d’une écoute téléphonique. Rien pourtant qui aurait pu intervenir à charge ou à décharge : dans les lignes marquantes, les accusés échangeaient des politesses usuelles (« Comment ça va ? – Ça va ! Et toi ? »). Les magistrats ont-ils perdu tout sens de la mesure ? Non point : ils appliquent une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, définie au nom du principe du contradictoire.
Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples pour constater que la procédure pénale est tributaire de règles élaborées en méconnaissance des réalités et des conditions de fonctionnement des juridictions. Or, à quoi sert-il d’ajouter sans cesse, au nom des droits de l’homme ou des droits des victimes, des garanties procédurales supplémentaires, si elles ont pour effet concret d’empêcher la justice de rendre des décisions sensées dans des délais décents ?
Les décisions de justice doivent pouvoir être comprises. Faut-il rappeler qu’elles sont rendues « au nom du peuple français » ?
Notre système judiciaire n’a pas besoin d’une énième réforme inspirée par les passions et les idéologies. Il a besoin de plus de moyens. Mais il a tout autant besoin, en même temps, d’un retour à la raison qui lui rende son équilibre, son efficacité et son humanité.
Pour aller plus loin, la proposition de loi.
André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin