Ma tribune sur la formation des imams

Les propos inadmissibles, contraires aux principes républicains, récemment tenus par l’imam de Bagnols-sur-Cèze Mahjoub Mahjoubi, mettent sous les feux de l’actualité la réalité de certaines pratiques de l’islam en France : des imams peu, voire incorrectement formés.

Dès 2016, une mission d’information sénatoriale intitulée « De l’Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés », que je co-rapportais, avait déjà eu connaissance de débordements lors de prêches et s’était émue de la diversité des statuts des imams œuvrant en France et de la question de leurs formations.

La récente prise de parole de Maître Samir Hamroun, avocat de l’imam Mahjoubi, dans une interview à un grand média, corrobore notre constat d’alors ! Il a clairement reconnu que son client ‘n’a pas été formé pour prendre la parole devant un auditoire de plusieurs centaines de personnes’. (BFM – le 23 février 2024).

« Pas été formé » ? Sur la forme peut-être, mais également sur le fond…

En effet, il est totalement intolérable d’entendre de la bouche d’un imam prêchant sur le territoire français des propos attisant la haine, niant les valeurs de la République et appelant au séparatisme ou encore relevant de l’antisémitisme.

Intolérables, inadmissibles, inacceptables, inconcevables… Quel que soit l’adjectif qui qualifie ces propos, il convient d’y remédier à la racine : la formation des imams, ministres du culte musulman.

C’est ainsi que dès l’automne 2017, j’étais le premier co-signataire d’une proposition de loi visant à imposer aux ministres des cultes (toutes religions confondues) de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte.

Nous, les auteurs de ce texte, estimions que la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, bien que prévoyant et reconnaissant la liberté religieuse et la liberté des cultes à l’ensemble des citoyens français, ne devait pas pour autant être figée et être entendue comme un empêchement pour les politiques de réfléchir à l’évolution de nos religions dans notre société.

Nous proposions « une obligation nouvelle, opposable à l’ensemble des confessions pratiquant l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la loi de 1905, en l’occurrence celle de recruter leurs ministres du culte uniquement parmi des personnes justifiant d’une qualification cultuelle reconnue. L’objectif de cette sélection était d’éviter le phénomène pernicieux des « imams auto-proclamés » et, plus généralement, des pseudos-prédicateurs qui, sous couvert de culte, diffusent des appels à la haine et à la violence et des messages contraires à la tolérance et au respect des valeurs républicaines » (exposé des motifs de la proposition de loi).

Ladite proposition de loi a pu être examinée en séance en juin 2018, mais l’issue a été décevante. En effet, j’ai profondément regretté qu’elle ait été vidée de sa substance dès son examen par la Commission des Lois et que le Gouvernement n’ait pas voulu lui donner une suite favorable non plus…

Or, la prise de conscience politique de ce problème était bien réelle puisque le texte avait été soutenu dès l’origine par près de 50 sénateurs prêts à agir !

Les esprits n’étaient-ils pas assez murs ? Fallait-il attendre et constater des débordements supplémentaires pour enfin agir ?

Il y a quelques jours, s’est tenue la 2ème session de travail du FORIF (Forum de l’islam de France) au cours duquel le Ministre de l’Intérieur a évoqué différents chantiers, dont celui d’un « statut de l’imam en France », incluant intrinsèquement la question de sa formation. Le FORIF doit faire des propositions en ce sens sous 6 mois.

Personnellement, je doute que les différentes communautés musulmanes de notre pays parviennent à se mettre d’accord sur l’exigence d’une telle qualification et, a fortiori, d’en fixer le niveau, alors qu’elles n’ont aucune obligation légale d’y parvenir. Cela fait des années que, tant au plan national qu’au niveau régional, celles-ci indiquent y réfléchir, puis… y travailler. Or, concrètement, on a enregistré aucun résultat ! Croit-on sérieusement que cela va changer dans les 6 prochains mois ? Quand comprendra-t-on que la laïcité en vigueur en France ne peut être contraire aux exigences de l’intérêt général du pays ?

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin

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