Projet de loi de finances rectificative : mon point de vue à l’issue du débat

Après quatre jours de débats, le Sénat a à son tour adopté mardi 31 juillet le projet de loi de finances rectificative pour 2012, abrogeant des mesures-phares du quinquennat précédent, et  prévoyant 7,2 milliards de hausse d’impôts (dont 4.2 milliards prélevés sur les ménages et 3 milliards sur les entreprises).

Je n’ai pas voté ce dispositif qui constitue une grave erreur politique, en ce qu’il va dégrader la situation de nos entreprises et le pouvoir d’achat des Français.

Quatre mesures emblématiques sont particulièrement à relever, qui sont autant d’interpellations :

I. « Pourquoi prendre dès aujourd’hui une mesure supprimant la TVA sociale alors que la majorité n’a aucune solution de rechange ? »

La TVA sociale, appelée aussi TVA « anti-délocalisation » ou TVA compétitivité », a été décidée sous le gouvernement Fillon dans le but d’abaisser le coût du travail pour permettre à nos entreprises de gagner plus de marchés face à la concurrence mondiale et donc de créer des emplois.

Il s’agissait de décharger les entreprises d’une partie des cotisations sociales pesant sur les salaires et de transférer les sommes concernées sur tous les consommateurs à travers une augmentation de la TVA.

La majorité présidentielle a voté la suppression de cette TVA sociale, dispositif expérimental qui ne devait entrer en vigueur qu’à l’automne, soit le 1er octobre.

Alors que M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, a indiqué la semaine dernière lors d’une audition au Sénat, qu’une mission avait été confiée à M. Gallois pour qu’il indique à l’automne quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour réduire le coût du travail et faire gagner les entreprises en compétitivité, il est étonnant que l’on puisse prendre une mesure de « détricotage » du dispositif sans même attendre les préconisations de cet éminent expert. Il n’y avait pas d’urgence à légiférer à cet égard. Quelle était la raison – si ce n’est une raison éminemment politicienne – de prendre aujourd’hui une mesure supprimant cette TVA anti-délocalisations alors que la majorité n’a aucune solution de rechange pour réduire le coût du travail ?

Que l’on se dise de droite ou de gauche, nous le savons tous, il faudra qu’une mesure soit prise en ce qui concerne le coût du travail. Comment gagner vraiment en compétitivité si l’on n’actionne pas ce levier?

II. « La fiscalisation des heures supplémentaires touchera pleinement et uniquement les classes populaires et moyennes »

La loi de finances rectificative met fin à l’incitation fiscale aux heures supplémentaires. Hormis dans les entreprises de moins de 20 salariés, les heures supplémentaires effectuées ne seront plus exonérées de cotisations sociales et seront soumises à l’impôt sur le revenu.

Il ne faudra pas attendre longtemps pour que les salariés concernés s’en aperçoivent : cette mesure aura un impact direct sur leur pouvoir d’achat et touchera pleinement et uniquement les classes populaires et moyennes, alors même que le gouvernement Ayrault annonçait vouloir, pour faire simple, « taxer les riches ». Pour les bénéficiaires d’heures supplémentaires, les calculs de la direction du Trésor montrent une perte moyenne annuelle de 432 euros. En tout, ce sont 9 millions de Français des classes populaires et classes moyennes qui se verront retirer 4 milliards d’euros qui étaient directement injectés dans le pouvoir d’achat.

 III. Droits de succession : « Cette mesure réduit le pouvoir d’achat des classes moyennes et est à l’opposé de la revalorisation du travail »

Mesure qui touchera un peu plus encore les classes moyennes, le gouvernement a décidé l’alourdissement de la taxation des successions. La disposition adoptée prévoit de baisser de 159.000 à 100.000 euros par enfant l’abattement sur les droits de succession.

Cette mesure réduit le pouvoir d’achat des classes moyennes et est à l’opposé de la revalorisation du travail.

A titre anecdotique, cette disposition a fait parler d’elle durant les débats au Sénat la semaine dernière, car elle n’a en premier lieu pas été adoptée, en raison de l’abstention « accidentelle » des Verts. Bien que la disposition ait été réintroduite dans le projet de loi quelques heures plus tard, l’incident a cependant révélé la fragilité de la majorité sénatoriale.

IV. « En portant le forfait social sur la participation de 8 à 20%, la loi pénalise fortement les salariés et aggrave l’instabilité de la législation sociale pour les TPE-PME ».

Les hausses massives d’impôts avaient été prédites par le gouvernement, en revanche est une surprise la hausse de 8% à 20% du forfait social sur l’intéressement, la participation, l’abondement « Plan d’Epargne Entreprise » (PEE) ou « Plan d’Epargne pour la Retraite Collectif » (PERCO). C’est un coup de massue fiscal à destination des classes populaires et moyennes. Ce forfait était de 2% en 2009, avant de passer à 8% en 2012 sous le gouvernement Fillon, pour bondir aujourd’hui à 20%.

Cette mesure est réellement injuste et va toucher tous les salariés qui bénéficient de dispositifs d’épargne salariale. En effet, pour répondre à cette forte hausse, les entreprises vont mécaniquement réduire les montants d’intéressement et de participation versés aux salariés.  Elle va donc détruire du pouvoir d’achat et de l’épargne longue pour les 8,8 millions de salariés du secteur privé qui bénéficient de ces dispositifs.

Il faut préciser toutefois que les sénateurs ont exempté les sociétés coopératives et participatives de cette hausse de 8 à 20% du forfait social.

Ce projet de loi de finances rectificative a été l’objet de vifs débats. Bien-sûr, il y a un fort déficit public à combler, mais les mesures prises auraient dû préserver les classes moyennes et nos PME. Or, elles vont principalement les affecter. Ces mesures ne correspondent pas aux intérêts de la France et des citoyens et traduisent la seule volonté de détricoter tout ce qui a été fait sous le gouvernement précédent. Si encore des solutions de rechange avaient été étaient proposées, je comprendrais que les choix faits par la nouvelle majorité puissent être différents de ceux de la majorité précédente. Mais rien n’a été proposé en contrepartie et cette attitude n’est pas responsable dans la situation économique actuelle de la France.

On attendait par ailleurs, en plus des hausses d’impôts précitées, des réductions importantes des dépenses publiques : à cet égard, le gouvernement reste silencieux. Il faut espérer que ces annonces ne tardent pas.

 

Par André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin

Projet de Loi de Finances Rectificative 2012 : Article 1er – Suppression de la TVA compétitivité

Monsieur le Président,

Monsieur le ministre,

Mes chers collègues,

La suppression de la TVA compétitivité par la nouvelle majorité est une grave erreur.

Elle est emblématique de la schizophrénie du Gouvernement qui doit jongler entre l’idéologie et le réel.

Le réel c’est la perte de compétitivité de notre pays.

Ce diagnostic du réel est pourtant partagé par la majorité, là est toute la schizophrénie.

François Hollande, confronté dans l’exercice de son pouvoir à la réalité de la crise et à son devoir d’y apporter des solutions, a même changé d’avis et rejoint notre position qui, elle, n’a jamais changé : la compétitivité est en grande partie liée au coût du travail.

Mais la majorité ne parvient pas à se défaire de ses réflexes idéologiques, a contrario de leurs homologues sociaux-démocrates européens.

Plutôt donc que de faire preuve de pragmatisme, et de profiter de cette mesure de compétitivité qui devait entrer en vigueur après l’élection présidentielle, l’idéologie partisane prime : défaire ce qu’a fait la droite, voilà la priorité.

C’est de l’affichage, de la communication politique et l’argument massue de cette communication, le chiffon rouge agité devant les électeurs et les Français, l’argument choc de la majorité, justifiant à lui seul la suppression de la TVA compétitivité, c’est celle du pouvoir d’achat.

Votre argument est que la hausse de 1,6 point de TVA eût entrainé une augmentation équivalente des prix et donc une importante perte de pouvoir d’achat.

Argument surprenant voire fallacieux au regard d’autres mesures contenues dans le présent collectif budgétaire et qui vont fortement impacter ce fameux pouvoir d’achat !

Je pense notamment

  • à la suppression de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires pour 9 millions de salariés,
  • à la hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation concernant 12 millions de Français,
  • à la baisse de la franchise d’impôt sur les successions,
  • et à la probable hausse des prix des carburants suite à mise en place de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, qui va toucher également les distributeurs et les indépendants.

Votre argumentation est d’autant plus fallacieuse que la hausse de la TVA n’entraînerait pas mécaniquement une hausse des prix, et donc de l’inflation. Les choses sont en réalité plus subtiles et l’inflation eût été limitée.

Tout d’abord, on est aujourd’hui en Europe sur une tendance au ralentissement de l’inflation, même si les prix des matières premières, notamment du pétrole, restent extrêmement volatiles.

Ensuite, il y a eu des précédents :

En Allemagne, la hausse des prix consécutive à la mise en place de la TVA sociale fut contenue et sous le gouvernement Juppé, en 1995, lorsque le taux normal de TVA fut relevé de 2 points, l’effet sur les prix fut de 0,5 à 0,7%.

L’impact sur le pouvoir d’achat est faible car la hausse de la TVA ne concerne que le taux supérieur de 19,6% qui n’augmente que de 1,6 point : 60% de la consommation des Français concernent des produits auxquels ne s’appliquent pas le taux plein.

En outre, la répercussion de la hausse de la TVA sur les prix n’est pas mécaniquement proportionnelle ; elle dépend aussi de la situation concurrentielle du marché concerné – qui a été structurellement renforcée depuis la loi de modernisation économique de 2008.

Le dispositif ne devait entrer en vigueur qu’à compter du 1er octobre, ce qui permettait aux agents économiques d’anticiper certains achats, notamment les plus coûteux, ce qui eût soutenu momentanément la consommation.

Les minima sociaux, Smic et retraites notamment, étant indexés sur l’inflation, l’impact éventuel d’une hausse des prix eût été amorti pour les revenus les plus modestes.

Enfin, les prix des produits importés, frappés de TVA mais ne bénéficiant pas de la baisse des charges, auraient augmenté.

Tandis que le coût des produits français aurait pu baisser, les 10,6 milliards d’euros de hausse de la TVA étant inférieurs aux 13,2 milliards d’euros de baisse du coût du travail.

L’argument, du pouvoir d’achat et de la consommation menacés par la TVA sociale, qui justifie la suppression de la TVA compétitivité, est donc largement trompeur.

En conséquence, le groupe UMP votera la suppression de cet article 1er.

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin