Interventions auprès du Ministère des Finances

Je me suis rendu jeudi 21 mars à Bercy, pour rencontrer la conseillère du Ministre Pierre MOSCOVICI chargée de la politique fiscale ainsi que sa conseillère parlementaire. Il venait leur exposer deux dossiers distincts : l’un concernant le taux de taxe d’habitation dans les communes isolées intégrant une communauté de communes à fiscalité additionnelle, l’autre relatif à l’imposition en Allemagne des pensions de retraite pour les frontaliers.

Premier dossier :

En cas d’adhésion volontaire (ou en application d’un schéma départemental de coopération intercommunale) d’une commune isolée à un EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) ayant perçu la taxe d’habitation à compter du 1er janvier 2011, la loi a prévu un mécanisme de neutralisation dans le cas des EPCI à fiscalité professionnelle unique : le taux de taxe d’habitation de la commune est alors automatiquement minoré de la part de taux qu’elle a récupérée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. La neutralisation est réalisée par une majoration d’autant de l’attribution de compensation versée à la commune (article 1638 quater du code général des impôts). La neutralisation ne s’applique pas, toutefois, en cas d’intégration dans un EPCI à fiscalité additionnelle alors que l’impact pour les contribuables de la commune peut être très important…

J’ai demandé qu’une modification du Code Général des Impôts à cet égard soit entreprise sans délai. Le gouvernement s’est engagé à étudier l’opportunité de cette proposition.

Le cas échéant, la modification pourra être introduite dans le prochain projet de loi de finances, directement par le gouvernement, ou par voie d’amendement à ce texte à l’initiative du sénateur.

Second dossier :

En vertu d’une convention internationale signée entre la France et l’Allemagne en 1959, une loi fédérale allemande de 2005 soumet à l’imposition en Allemagne les pensions de retraite des frontaliers français ou de leurs ayant-droits. Les autorités allemandes ont cependant tardé à mettre cette disposition en application et réclament depuis quelques mois les impôts concernés, de façon rétroactive, sur les différentes années écoulées. Ces réclamations posent différents problèmes de droit, tels notamment la prescription fiscale qui est de 3 ans en France mais n’existe pas en Allemagne…

 

J’ai demandé que ces problèmes de droit soient étudiés de façon précise afin que soit examinée la possibilité pour les gouvernements français et allemand de modifier le dispositif actuel, insatisfaisant au regard du droit français. Il m’a été indiqué que Monsieur le Ministre Pierre MOSCOVICI avait d’ores et déjà engagé une négociation au plus haut niveau avec son homologue allemand, pour tenter de modifier pour l’avenir la convention fiscale précitée entre les deux pays. Cette négociation continue, dans le souci de la recherche d’une solution tenant compte des difficultés rencontrées par les frontaliers.

Je restera bien-sûr attentif quant à l’avenir de ces deux dossiers.

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin

Projet de loi de finances rectificative : mon point de vue à l’issue du débat

Après quatre jours de débats, le Sénat a à son tour adopté mardi 31 juillet le projet de loi de finances rectificative pour 2012, abrogeant des mesures-phares du quinquennat précédent, et  prévoyant 7,2 milliards de hausse d’impôts (dont 4.2 milliards prélevés sur les ménages et 3 milliards sur les entreprises).

Je n’ai pas voté ce dispositif qui constitue une grave erreur politique, en ce qu’il va dégrader la situation de nos entreprises et le pouvoir d’achat des Français.

Quatre mesures emblématiques sont particulièrement à relever, qui sont autant d’interpellations :

I. « Pourquoi prendre dès aujourd’hui une mesure supprimant la TVA sociale alors que la majorité n’a aucune solution de rechange ? »

La TVA sociale, appelée aussi TVA « anti-délocalisation » ou TVA compétitivité », a été décidée sous le gouvernement Fillon dans le but d’abaisser le coût du travail pour permettre à nos entreprises de gagner plus de marchés face à la concurrence mondiale et donc de créer des emplois.

Il s’agissait de décharger les entreprises d’une partie des cotisations sociales pesant sur les salaires et de transférer les sommes concernées sur tous les consommateurs à travers une augmentation de la TVA.

La majorité présidentielle a voté la suppression de cette TVA sociale, dispositif expérimental qui ne devait entrer en vigueur qu’à l’automne, soit le 1er octobre.

Alors que M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, a indiqué la semaine dernière lors d’une audition au Sénat, qu’une mission avait été confiée à M. Gallois pour qu’il indique à l’automne quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour réduire le coût du travail et faire gagner les entreprises en compétitivité, il est étonnant que l’on puisse prendre une mesure de « détricotage » du dispositif sans même attendre les préconisations de cet éminent expert. Il n’y avait pas d’urgence à légiférer à cet égard. Quelle était la raison – si ce n’est une raison éminemment politicienne – de prendre aujourd’hui une mesure supprimant cette TVA anti-délocalisations alors que la majorité n’a aucune solution de rechange pour réduire le coût du travail ?

Que l’on se dise de droite ou de gauche, nous le savons tous, il faudra qu’une mesure soit prise en ce qui concerne le coût du travail. Comment gagner vraiment en compétitivité si l’on n’actionne pas ce levier?

II. « La fiscalisation des heures supplémentaires touchera pleinement et uniquement les classes populaires et moyennes »

La loi de finances rectificative met fin à l’incitation fiscale aux heures supplémentaires. Hormis dans les entreprises de moins de 20 salariés, les heures supplémentaires effectuées ne seront plus exonérées de cotisations sociales et seront soumises à l’impôt sur le revenu.

Il ne faudra pas attendre longtemps pour que les salariés concernés s’en aperçoivent : cette mesure aura un impact direct sur leur pouvoir d’achat et touchera pleinement et uniquement les classes populaires et moyennes, alors même que le gouvernement Ayrault annonçait vouloir, pour faire simple, « taxer les riches ». Pour les bénéficiaires d’heures supplémentaires, les calculs de la direction du Trésor montrent une perte moyenne annuelle de 432 euros. En tout, ce sont 9 millions de Français des classes populaires et classes moyennes qui se verront retirer 4 milliards d’euros qui étaient directement injectés dans le pouvoir d’achat.

 III. Droits de succession : « Cette mesure réduit le pouvoir d’achat des classes moyennes et est à l’opposé de la revalorisation du travail »

Mesure qui touchera un peu plus encore les classes moyennes, le gouvernement a décidé l’alourdissement de la taxation des successions. La disposition adoptée prévoit de baisser de 159.000 à 100.000 euros par enfant l’abattement sur les droits de succession.

Cette mesure réduit le pouvoir d’achat des classes moyennes et est à l’opposé de la revalorisation du travail.

A titre anecdotique, cette disposition a fait parler d’elle durant les débats au Sénat la semaine dernière, car elle n’a en premier lieu pas été adoptée, en raison de l’abstention « accidentelle » des Verts. Bien que la disposition ait été réintroduite dans le projet de loi quelques heures plus tard, l’incident a cependant révélé la fragilité de la majorité sénatoriale.

IV. « En portant le forfait social sur la participation de 8 à 20%, la loi pénalise fortement les salariés et aggrave l’instabilité de la législation sociale pour les TPE-PME ».

Les hausses massives d’impôts avaient été prédites par le gouvernement, en revanche est une surprise la hausse de 8% à 20% du forfait social sur l’intéressement, la participation, l’abondement « Plan d’Epargne Entreprise » (PEE) ou « Plan d’Epargne pour la Retraite Collectif » (PERCO). C’est un coup de massue fiscal à destination des classes populaires et moyennes. Ce forfait était de 2% en 2009, avant de passer à 8% en 2012 sous le gouvernement Fillon, pour bondir aujourd’hui à 20%.

Cette mesure est réellement injuste et va toucher tous les salariés qui bénéficient de dispositifs d’épargne salariale. En effet, pour répondre à cette forte hausse, les entreprises vont mécaniquement réduire les montants d’intéressement et de participation versés aux salariés.  Elle va donc détruire du pouvoir d’achat et de l’épargne longue pour les 8,8 millions de salariés du secteur privé qui bénéficient de ces dispositifs.

Il faut préciser toutefois que les sénateurs ont exempté les sociétés coopératives et participatives de cette hausse de 8 à 20% du forfait social.

Ce projet de loi de finances rectificative a été l’objet de vifs débats. Bien-sûr, il y a un fort déficit public à combler, mais les mesures prises auraient dû préserver les classes moyennes et nos PME. Or, elles vont principalement les affecter. Ces mesures ne correspondent pas aux intérêts de la France et des citoyens et traduisent la seule volonté de détricoter tout ce qui a été fait sous le gouvernement précédent. Si encore des solutions de rechange avaient été étaient proposées, je comprendrais que les choix faits par la nouvelle majorité puissent être différents de ceux de la majorité précédente. Mais rien n’a été proposé en contrepartie et cette attitude n’est pas responsable dans la situation économique actuelle de la France.

On attendait par ailleurs, en plus des hausses d’impôts précitées, des réductions importantes des dépenses publiques : à cet égard, le gouvernement reste silencieux. Il faut espérer que ces annonces ne tardent pas.

 

Par André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin