Projet de Loi de Finances Rectificative 2012 : Article 1er – Suppression de la TVA compétitivité

Monsieur le Président,

Monsieur le ministre,

Mes chers collègues,

La suppression de la TVA compétitivité par la nouvelle majorité est une grave erreur.

Elle est emblématique de la schizophrénie du Gouvernement qui doit jongler entre l’idéologie et le réel.

Le réel c’est la perte de compétitivité de notre pays.

Ce diagnostic du réel est pourtant partagé par la majorité, là est toute la schizophrénie.

François Hollande, confronté dans l’exercice de son pouvoir à la réalité de la crise et à son devoir d’y apporter des solutions, a même changé d’avis et rejoint notre position qui, elle, n’a jamais changé : la compétitivité est en grande partie liée au coût du travail.

Mais la majorité ne parvient pas à se défaire de ses réflexes idéologiques, a contrario de leurs homologues sociaux-démocrates européens.

Plutôt donc que de faire preuve de pragmatisme, et de profiter de cette mesure de compétitivité qui devait entrer en vigueur après l’élection présidentielle, l’idéologie partisane prime : défaire ce qu’a fait la droite, voilà la priorité.

C’est de l’affichage, de la communication politique et l’argument massue de cette communication, le chiffon rouge agité devant les électeurs et les Français, l’argument choc de la majorité, justifiant à lui seul la suppression de la TVA compétitivité, c’est celle du pouvoir d’achat.

Votre argument est que la hausse de 1,6 point de TVA eût entrainé une augmentation équivalente des prix et donc une importante perte de pouvoir d’achat.

Argument surprenant voire fallacieux au regard d’autres mesures contenues dans le présent collectif budgétaire et qui vont fortement impacter ce fameux pouvoir d’achat !

Je pense notamment

  • à la suppression de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires pour 9 millions de salariés,
  • à la hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation concernant 12 millions de Français,
  • à la baisse de la franchise d’impôt sur les successions,
  • et à la probable hausse des prix des carburants suite à mise en place de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, qui va toucher également les distributeurs et les indépendants.

Votre argumentation est d’autant plus fallacieuse que la hausse de la TVA n’entraînerait pas mécaniquement une hausse des prix, et donc de l’inflation. Les choses sont en réalité plus subtiles et l’inflation eût été limitée.

Tout d’abord, on est aujourd’hui en Europe sur une tendance au ralentissement de l’inflation, même si les prix des matières premières, notamment du pétrole, restent extrêmement volatiles.

Ensuite, il y a eu des précédents :

En Allemagne, la hausse des prix consécutive à la mise en place de la TVA sociale fut contenue et sous le gouvernement Juppé, en 1995, lorsque le taux normal de TVA fut relevé de 2 points, l’effet sur les prix fut de 0,5 à 0,7%.

L’impact sur le pouvoir d’achat est faible car la hausse de la TVA ne concerne que le taux supérieur de 19,6% qui n’augmente que de 1,6 point : 60% de la consommation des Français concernent des produits auxquels ne s’appliquent pas le taux plein.

En outre, la répercussion de la hausse de la TVA sur les prix n’est pas mécaniquement proportionnelle ; elle dépend aussi de la situation concurrentielle du marché concerné – qui a été structurellement renforcée depuis la loi de modernisation économique de 2008.

Le dispositif ne devait entrer en vigueur qu’à compter du 1er octobre, ce qui permettait aux agents économiques d’anticiper certains achats, notamment les plus coûteux, ce qui eût soutenu momentanément la consommation.

Les minima sociaux, Smic et retraites notamment, étant indexés sur l’inflation, l’impact éventuel d’une hausse des prix eût été amorti pour les revenus les plus modestes.

Enfin, les prix des produits importés, frappés de TVA mais ne bénéficiant pas de la baisse des charges, auraient augmenté.

Tandis que le coût des produits français aurait pu baisser, les 10,6 milliards d’euros de hausse de la TVA étant inférieurs aux 13,2 milliards d’euros de baisse du coût du travail.

L’argument, du pouvoir d’achat et de la consommation menacés par la TVA sociale, qui justifie la suppression de la TVA compétitivité, est donc largement trompeur.

En conséquence, le groupe UMP votera la suppression de cet article 1er.

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin