Monsieur le Président, ce que Roland Ries n’osera pas vous dire…

Hollande conference de presse janvier 2014

Pour la seconde fois depuis le début de votre mandat, vous venez à Strasbourg, et nous nous en réjouissons.

Il est en effet indispensable que les plus Hautes Autorités de l’Etat manifestent leur soutien et leur attachement au statut de Capitale Européenne de Strasbourg.

Mais ce déplacement n’est pas notre unique motif de satisfaction. En centrant votre visite sur la Recherche, l’Université et les relations franco-allemandes, vous mettez en effet en lumière les atouts avérés de Strasbourg, pour lesquels le soutien de l’Etat est indispensable.

Et c’est là, Monsieur le Président, que notre satisfaction trouve ses limites…

En effet, comment venir louer l’exemple universitaire Strasbourgeois, vous réjouir de ses trois Prix Nobel, alors même que l’Etat vient de décider unilatéralement la suppression de 3,8 millions d’euros de crédits de fonctionnement. Cette décision oblige aujourd’hui l’Université à réduire son budget de 20% et handicape sa politique d’excellence !

Pourtant, la France a aujourd’hui plus que jamais besoin d’Universités fortes et de chercheurs soutenus pour redevenir une grande nation qui innove. La France doit redevenir attractive pour les industriels et les entrepreneurs du monde entier. Pour cela, le monde de l’Université et de la Recherche a aujourd’hui besoin de moyens et de liberté pour créer. Ce sont les conditions indispensables pour le redressement de l’économie française. Il ne s’agit pas d’une nouvelle dépense mais bien d’un investissement en faveur du redressement de notre pays.

S’agissant de la relation franco-allemande, dont Strasbourg est historiquement et durablement le symbole et le moteur, nous formons le vœu que votre venue permette de clarifier la situation.

Alors qu’il y a encore quelques mois, les discours officiels du Gouvernement et de sa majorité parlementaire étaient à charge contre la politique allemande, nous pensons au contraire que la France et l’Allemagne doivent entretenir des liens de confiance mutuelle et unir leurs efforts pour construire une Europe forte qui compte dans le monde.

Si la réussite de l’Allemagne doit inspirer la France, il ne s’agit pas de copier béatement les « recettes » allemandes et de les appliquer à notre pays mais bien de comprendre les synergies qui ont émergé « Outre-Rhin » pour libérer celles qui sommeillent dans notre pays.

Comme l’a rappelé le Ministre des Finances allemand Wolfgang SCHAUBLE lors de sa récente réunion publique à Strasbourg « Nous avons à apprendre les uns des autres, en matière de lutte contre le chômage et de politiques régionales… ». Il s’agit aujourd’hui, après des mois de méfiance voire de défiance française, de reconstruire une vraie relation, équilibrée, respectueuse des deux partenaires, tournée exclusivement vers l’intérêt de nos deux peuples et plus largement de tout le continent européen.

C’est ce discours que nous aimerions entendre de votre part. En le prononçant à Strasbourg, vous marqueriez ainsi enfin votre vraie volonté de construire une Europe puissante, une Europe prospère, une Europe entièrement tournée vers son avenir, sans arrière-pensée politique.

Plus généralement, nous souhaiterions vous dire combien l’Alsace, et Strasbourg en particulier, se sentent éloignées de vos préoccupations.

Avec l’abandon du projet de construction de la seconde phase du TGV Rhin-Rhône, la baisse drastique des moyens dévolus au Contrat Triennal Strasbourg l’Européenne, les atermoiements sur le Grand Contournement Ouest abandonné puis réhabilité 18 mois plus tard, vous avez adressé des signes très négatifs à l’encontre de notre Ville et de notre région.

Monsieur le Président, vous ne mesurez peut-être pas l’ampleur du désarroi des Alsaciens et des Strasbourgeois face à ces renoncements. Notre voix de parlementaires de l’opposition n’est vraisemblablement pas montée jusqu’à vous.

Votre visite ne doit pas rester un déplacement parmi d’autres. Elle ne doit pas se cantonner à un soutien de façade à la municipalité sortante à quelques semaines des échéances électorales. Nous souhaitons au contraire qu’elle soit un signal fort de l’Etat à destination de Strasbourg et de l’Alsace et de l’Europe.

C’est un message constructif et exigeant que nous souhaitons vous adresser. L’Europe, l’Alsace et Strasbourg méritent votre engagement plein et entier.

Fabienne KELLER, Sénatrice du Bas-Rhin

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin

Sophie ROHFRITSCH, Députée du Bas-Rhin

André SCHNEIDER, Député du Bas-Rhin

Claude STURNI, Député du Bas-Rhin