J’ai interpellé Jérôme CAHUZAC, Ministre délégué auprès du Ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, pour l’alerter sur l’inquiétude du secteur brassicole alsacien concernant les projets du gouvernement de doubler les droits d’accises sur la bière. Voici le courrier que je lui ai adressé :
Monsieur le Ministre,
Je me permets d’attirer votre attention sur les inquiétudes du secteur de la brasserie française, concernant un article paru dans Les Echos le 10 septembre dernier à propos d’un projet du gouvernement de doubler les droits d’accises sur la bière.
La brasserie française ne pourrait pas supporter une augmentation de droits d’accises, au-delà de l’indexation annuelle sur l’inflation déjà appliquée.
Avec un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros HT, ce secteur est déjà fortement contributeur, tant par les recettes fiscales et sociales générées directement (337 millions de droit d’accises en 2010), qu’indirectement par la place qu’occupe la bière dans la distribution alimentaire et le secteur des cafés-hôtels-restaurants.
En amont de la filière, la forte contribution de l’orge brassicole (2e exportateur mondial) à la balance commerciale agricole et la place des malteurs français parmi les premiers intervenants mondiaux de leur secteur doivent être préservées. Elles ne le seront que si les brasseries peuvent continuer à jouer un rôle actif au sein de cette filière, en particulier en termes d’achat de proximité auprès des agriculteurs français, mais aussi d’investissements et de ressources humaines dans les domaines de la qualité, de la recherche et du développement, spécificités compétitives françaises reconnues à l’international.
A l’aval de la filière, la bière représente plus du tiers du revenu des cafés-brasseries et constitue donc un soutien majeur à ce secteur d’activité en difficulté, qui a subi la fermeture de plus de 12 000 établissements depuis 2007.
Le marché de la bière en France est fragile, comme en témoignent, d’une part, la baisse structurelle de la consommation : -38 % depuis 1976 et, d’autre part, la position d’avant-dernier pays consommateur en Europe avec moins de 30 litres/an/habitant.
Les conséquences de nouvelles taxes auraient un impact fortement négatif sur toute la filière, des agriculteurs à la distribution.
Ainsi, alors que 70 % de la bière consommée dans notre pays est produite en France, les emplois directs du secteur seraient menacés, après des années de restructurations difficiles mais exercées de façon responsable par les brasseurs pour adapter la capacité de production à la taille du marché (de 12 213 salariés en 1983, les effectifs des brasseurs sont passés à 6 700 en 1993 et à environ 3 500 aujourd’hui).
L’activité indirecte liée à la brasserie s’en trouverait aussi menacée : les emplois directs et indirects de la filière brassicole sont passés de 71 500 en 2009 à 65 385 en 2011, soit -8,6 % en deux ans.
En outre, s’agissant d’un produit populaire, la répercussion du prix au consommateur fera passer cette mesure comme une atteinte supplémentaire au pouvoir d’achat des ménages.
Enfin, il y a un risque important que les recettes fiscales attendues ne soient pas assurées, compte tenu de la forte élasticité prix/volumes.
Les Brasseurs souhaitent donc conserver l’équilibre actuel, atteint au prix de réorganisations profondes et de stratégies actives d’innovation. C’est cette détermination qui leur a permis de maintenir leurs engagements à l’égard de la filière, de l’environnement (modes de production), et de la politique de santé (consommation responsable).
Ainsi, Monsieur le Ministre, permettez-moi de vous demander ce que vous comptez réellement faire à ce sujet.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de ma très haute considération.
André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin