Les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ont été adoptées le mercredi 23 juillet 2014.
J’ai été l’orateur du groupe UMP pour ce texte, seul homme à la tribune dans ce débat. Voici le contenu de mon intervention :
« Monsieur le Président,
Madame le Ministre, (Najat VALLAUD-BELKACEM)
Madame le rapporteur, (Virginie KLES)
Mes chers collègues,
L’inégalité entre les femmes et les hommes a de multiples facettes ; cela fait d’ailleurs de nombreuses années que gouvernements de droite et de gauche tentent d’y apporter des réponses, plus ou moins adaptées aux situations réelles de nos concitoyens dans des configurations économiques et de dépenses publiques variées.
La majorité précédente a permis différentes avancées du droit des femmes. C’est en matière salariale que l’inégalité reste la plus flagrante :
• pour un travail égal, le salaire des femmes est de 28% inférieur à celui des hommes ; cela restreint leur autonomie et leur indépendance ;
• 80% des salariés à temps partiel sont des femmes, c’est un frein à leur carrière ;
• quant à leur représentation au sein des structures politiques, il suffit de regarder notre assemblée pour comprendre l’ampleur de l’inégalité.
Le groupe UMP n’aurait pu être que favorable à un texte dont l’ambition affichée est de faire évoluer la situation. Nous avons d’ailleurs contribué à réduire les écarts existants à de nombreuses reprises : de la loi Ameline relative aux rémunérations des femmes fixées lors des négociations par branche à la loi Sauvadet permettant un meilleur accès aux postes à responsabilité dans la fonction publique, en passant par la loi visant à lutter contre les violences faites aux femmes ou la loi relative à la représentation équilibrée dans les conseils d’administration.
Sur l’égalité professionnelle d’abord, le texte comporte un début de réponses intéressantes
– sur l’articulation des différentes négociations sur l’égalité et les salaires,
– sur l’accompagnement des retours de congé parental,
– sur le renforcement des droits familiaux des professions libérales,
– sur la possibilité d’utiliser une partie des droits du compte épargne-temps pour financer les frais de garde d’enfants.
Contre la précarité, aussi, le texte apporte des éléments intéressants :
– Ainsi, l’expérimentation du versement en tiers payant de la prestation d’accueil du jeune enfant aux assistants maternels va faciliter l’accès aux différents modes de garde pour les familles modestes
Contre les violences faites aux femmes, la confirmation et le renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection des femmes victimes de violences sont essentiels.
Mais il y a d’autres points de votre texte qui ne peuvent souscrire notre assentiment, au premier rang desquels la réforme du congé parental, rebaptisé « prestation partagée d’éducation de l’enfant », qui n’est pas opportune selon ces modalités.
L’idée d’un meilleur partage de cette période entre les deux parents va dans le bon sens, mais je ne crois pas que ce soit en nous n’immisçant dans la vie privée de nos concitoyens et dans leurs rapports familiaux que nous apporterons une amélioration à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Votre projet, madame la ministre, risque in fine d’accentuer les inégalités familiales entre les hommes et les femmes. Revenons plutôt sur les causes poussant les femmes à prendre le congé dans une plus large proportion que les hommes.
Les familles n’en ont trop souvent pas le choix, notamment pour deux raisons :
– pour des raisons économiques d’abord, le salaire des femmes est le plus faible, les familles ne peuvent donc se priver de la plus haute rémunération. De plus, le coût des places de crèche ou auprès des assistantes maternelles est inabordable pour certaines familles.
– mais également pour des raisons d’organisation : les places au sein des structures d’accueil de la petite enfance manquent car les collectivités territoriales ne peuvent en assumer la charge !
Puis, comme nous vous l’avons répété lors des deux lectures, votre projet contient des mesures «contreproductives».
Il risque notamment de nuire à l’emploi en rajoutant une condition supplémentaire à la candidature à une commande publique. Je vous rappelle qu’en 2012, 103 000 entreprises étaient concernées par les marchés publics pour un montant de 75,4 milliards d’euros.
Ne croyez-vous pas que vous risquez de fragiliser la sphère économique et d’aboutir à une situation dans laquelle les entreprises n’auront plus les moyens d’embaucher, que ce soit des hommes… ou des femmes ? D’autant que certaines entreprises ne peuvent appliquer une stricte parité.
En définitive, Madame la Ministre, je pense que votre texte, bien que rempli de bonnes intentions, loin de la loi-cadre attendue, est un assemblage de dispositions diverses (modifiant pas moins de huit codes) mais qui ne s’attaque pas aux vrais obstacles culturels à l’égalité hommes-femmes. Il ne prend notamment pas suffisamment en compte les demandes des associations de parents ou de professionnels. J’ai peur que ce projet ne soit un énième texte législatif sur lequel il nous faudra revenir dans un certain temps en raison de ses effets négatifs sur l’économie, sur les finances publiques ou même sur les droits des femmes.
Avant de conclure, je souhaiterais revenir sur un point qui nous choque profondément : celui de la suppression de la notion de détresse dans le recours à l’IVG.
Ainsi la loi que vous allez voter aujourd’hui ouvre désormais l’interruption volontaire de grossesse non plus seulement aux femmes enceintes «que leur état place en situation de détresse», mais à toute femme «qui ne veut pas poursuivre une grossesse».
Le législateur renonce ainsi à formuler les raisons pour lesquelles l’interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée. Il élargit les possibilités d’accès à l’avortement à d’autres motifs que la détresse de la femme, sans d’ailleurs énoncer ces motifs. Toutes les motivations, quelles qu’elles soient, se voient donc conférer une égale valeur légale.
Cette rédaction soulève de graves objections alors même que sa portée concrète n’est probablement pas majeure puisqu’aucune instance n’a aujourd’hui le pouvoir de vérifier la réalité de la condition de détresse posée par la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil. Cependant, les principes fondamentaux sur lesquels repose cette loi Veil sont en cause.
Ces principes fondamentaux, que sont notamment le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie, justifient que l’avortement demeure aujourd’hui légalement interdit hors les cas prévus par la loi Veil. Ainsi, en vertu de la loi pénale, lorsqu’un avortement est pratiqué autrement qu’«en cas de nécessité» et autrement que «dans les conditions définies» par la loi, il peut toujours être sanctionné.
La «nécessité» qui autorise l’«atteinte» au principe se traduit depuis bientôt quarante ans par une exigence légale: l’invocation de sa «détresse» par la femme qui demande l’interruption volontaire de grossesse.
Nous considérons donc que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie est bafoué, c’est pourquoi nous saisirons le Conseil Constitutionnel sur ce point. »
André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin