Menace terroriste : des réformes s’imposent

La nouvelle vague d’attentats perpétrés en Catalogne et en Finlande montre une fois de plus l’insécurité ambiante qui règne en France et en Europe. Malgré le renforcement des actions de prévention menées aux échelles nationale et internationale, l’activité des réseaux djihadistes demeure en recrudescence. Face à ce constat, j’estime qu’une densification des dispositifs de prévention s’impose afin d’améliorer l’efficacité des services de renseignement et d’être en mesure de repérer plus efficacement les personnes en voie ou en situation de radicalisation. Pour ce faire, il est primordial que les collectivités territoriales soient considérées comme des acteurs à part entière dans la prévention de la radicalisation. En effet, en tant qu’échelons administratifs de proximité, elles disposent de capacités de détection sans égales, de la détection de signaux faibles au signalement des cas les plus dangereux. Je demande donc au Gouvernement d’entreprendre des réformes afin d’étoffer les services de renseignement et d’organiser une meilleure coordination avec les collectivités. Trois principaux axes doivent, selon moi, être privilégiés :

La création d’un registre communal de domiciliation

Le terrorisme peut frapper partout et à tout moment. On le sait, un certain nombre d’acteurs radicalisés sont prêts à passer à l’acte, souvent avec les moyens du bord, comme un couteau, une voiture bélier… En France, l’ampleur du phénomène est difficile à appréhender puisqu’elle ne dispose pas d’un fichier permettant de connaître précisément les personnes présentes sur son territoire. Cependant, pour être efficientes, les politiques publiques menées actuellement en matière d’anticipation des risques ne peuvent s’affranchir de l’impérieuse nécessité de connaître, de manière exhaustive, la population. C’est pourquoi, j’estime primordial d’étendre au niveau national le dispositif de déclaration domiciliaire prévu par le droit alsacien-mosellan. A cet égard, je tiens à souligner que l’obligation de s’inscrire en mairie pour fixer son domicile et la constitution d’un fichier permettant de déterminer la population installée sur le territoire de la commune participent de la sauvegarde de la sécurité et de l’ordre publics et ne sauraient par conséquent contrevenir au principe de liberté d’aller et venir, en ce qu’elles n’interdisent à quiconque de déménager quand il le souhaite. En outre, je constate que la déclaration de domiciliation est une démarche courante dans de nombreuses démocraties européennes, notamment en Allemagne où le système des registres domiciliaires fonctionne de manière systématique sans que jamais la Cour européenne des droits de l’Homme n’ait évoqué une quelconque menace à l’égard des libertés fondamentales et du droit au respect de la vie privée.

Par ailleurs, et de manière plus générale, la modernisation de notre mode de détermination de la domiciliation des personnes permettrait d’améliorer le service rendu aux administrés et de simplifier leurs démarches administratives, de mieux planifier les équipements et les services nécessaires aux citoyens et de répartir, de manière plus juste, les dotations de l’État. Dans le souci d’éviter toute charge supplémentaire pour les communes, le développement des téléservices pourrait, selon moi, être un bon outil afin d’assurer la mise en œuvre efficace d’un tel dispositif, lequel semble, par ailleurs, être en conformité avec les objectifs poursuivis par le fichier TES (Décret du 28 octobre 2016 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité).

Le rétablissement du contrôle des autorisations de sortie du territoire en mairie

Le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire, par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a pour objectif de lutter contre le départ de nombreux mineurs français dans les zones de combat en Syrie et en Irak, aux côtés des forces de l’organisation dite de « l’État islamique ». Dans son rapport publié le 2 avril 2015, la commission d’enquête du Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, que je co-préside, recensait déjà pas moins de 25 % de mineurs partis combattre dans les rangs djihadistes.

En vigueur depuis le 15 janvier 2017, l’autorisation de sortie du territoire se matérialise désormais par la simple présentation d’un formulaire CERFA, renseigné, signé par un titulaire de l’autorité parentale et accompagné de la copie de la pièce d’identité de ce même titulaire de l’autorité parentale. Il n’y a donc plus aucun contrôle dans les mairies, comme cela se faisait jusqu’en 2013. La circulaire du 29 décembre 2016 précise en effet « qu’aucune démarche en mairie ou en préfecture n’est nécessaire, le formulaire CERFA étant accessible sur internet ».

Or, un jeune mineur déterminé à quitter le territoire national n’aura en effet aucune difficulté à se procurer ledit formulaire, à le remplir lui-même et à subtiliser la pièce d’identité de l’un de ses parents afin de remplir l’ensemble des conditions fixées par le pouvoir réglementaire. Ce ne sont pas les peines d’emprisonnement et les amendes prévues aux articles 441-6 et 441-7 du code pénal pour fausse déclaration qui le dissuaderont.

Afin de les rendre réellement efficaces, j’estime que les autorisations de sortie du territoire des mineurs doivent être soumises à la validation des maires et je demande à ce que des mesures réglementaires soient prises en ce sens.

Le rétablissement du principe de territorialisation des demandes de CNI et passeports

Le décret du 28 octobre 2016 a autorisé la création d’un fichier unique centralisé regroupant toutes les informations liées à la délivrance d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport. La réforme modifie considérablement le rôle que tiennent les communes puisque seules les communes équipées du dispositif de recueil, c’est-à-dire du matériel permettant de recueillir les empreintes digitales et de les numériser, pourront recevoir les demandes de délivrance de CNI et de passeports. Or à ce jour, seules 2 000 communes environ disposent de ce fameux dispositif DR, permettant d’enregistrer les demandes de passeport biométrique, au lieu et place des 35 500 communes et préfectures autrefois compétentes. C’est donc tout le principe de territorialisation de l’instruction des demandes qui est remis en cause du fait du dessaisissement subséquent d’un grand nombre de maires. S’il convient de partager l’objectif de sécurisation des titres d’identité des citoyens français, l’on ne peut toutefois accepter ce nouvel affaiblissement de la commune, symbole pourtant de la République décentralisée.

J’estime que les nouvelles modalités d’instruction des CNI et passeports occasionne, en raison du faible nombre de dispositifs de recueil déployés, qu’ils soient fixes ou mobiles, une nette dégradation d’un service public essentiel que l’État se doit d’assurer à ses concitoyens. Le fil ainsi coupé entre les collectivités et leurs administrés va à l’encontre des objectifs de sécurité et de prévention que l’État s’est fixé dans ce contexte de crise et de menace que nous devons combattre sans relâche. Il est primordial que les maires conservent un contact avec les usagers. Cela suppose, pour le moins, que l’État acquiert plus de dispositifs mobiles et assure tant leur acheminement dans les communes que la formation de l’ensemble des agents communaux.

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin

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