Alors que le Gouvernement s’était engagé à ne pas baisser « brutalement » les dotations dédiées aux collectivités locales (…en 2018), les mesures prises en cascade pendant cette période estivale fragilisent leur autonomie financière et partant, la qualité du service rendu aux administrés. Une telle politique d’austérité menée à l’égard des collectivités locales, symboles de la République décentralisée, est tout à la fois incompréhensible et préoccupante.
Une autonomie financière fragilisée
1) Par la suppression de la réserve parlementaire
La réserve parlementaire vient d’être purement et simplement supprimée par l’Assemblée nationale le 9 août dernier, lors de son examen du projet de loi organique pour la confiance dans la vie publique. Le dispositif intermédiaire proposé par le Sénat, visant à instituer une nouvelle dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements au sein de la mission budgétaire « Crédits non répartis » et répondant à certains critères, aurait été le compromis indispensable.
Cette dotation de solidarité locale n’a cependant pu être soumise au vote de la Commission mixte paritaire (CMP), son président estimant qu’aucun accord ne pouvait être trouvé entre les deux assemblées et ce, malgré la volonté contraire de la majorité de ses membres. Cette décision unilatérale est de nature à entacher la procédure d’adoption de la loi d’une irrégularité contraire à la Constitution, notamment aux dispositions de l’article 45 et aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires. C’est pourquoi nous (Sénateurs LR) avons saisi le Conseil constitutionnel de nos observations.
2) Par la diminution des dotations versées par l’État
Par un décret adopté subrepticement le 20 juillet dernier, le Gouvernement a annulé près de 300 millions d’euros de crédits pour le financement des dotations d’équipement des territoires ruraux, de soutien à l’investissement local et de Politique de la ville prévues au budget 2017.
Les premiers bénéficiaires de ces dotations sont les territoires les plus fragiles : les territoires ruraux, les petites villes ou les quartiers défavorisés. Et ces crédits annulés auraient pu, notamment, contribuer à la réalisation de travaux dans l’école du village ou encore à soutenir le petit commerce du centre-bourg, à mettre aux normes des infrastructures ou bâtiments publics pour les rendre accessibles aux personnes handicapées, à créer une maison de santé pour plusieurs villes de moins de 30 000 habitants, à améliorer les conditions de vie dans les quartiers sensibles… Autant de projets qui risquent d’être bloqués…
L’exécutif n’avait-il pas pourtant affirmé sa volonté de revitaliser les territoires et d’associer davantage les élus locaux aux décisions de l’État qui les concernent ? Le doute est permis, du moins pour l’instant…
3) Par la réforme de la Taxe d’Habitation
D’ici à 2020, la taxe d’habitation sera supprimée pour 80% des redevables, selon un dégrèvement progressif (1/3 par an) pour les foyers concernés. Le Président de la République a notamment indiqué que la perte de recettes qui en résultera pour les collectivités sera compensée « à l’euro près » par une dotation de l’État. Se pose dès lors la question de la pérennité de cette compensation pour les années ultérieures puisqu’il nous faut rappeler que les recettes provenant de la taxe d’habitation permettent aux collectivités locales de répondre à des besoins bien réels et actuels afin d’assurer leurs missions de service public.
Un avenir qui ne se veut guère plus rassurant…
1) Un effort d’économies toujours plus important
Avec 27 milliards de dotations en moins sous le précédent quinquennat, la Cour des comptes a néanmoins relevé que les collectivités avaient réalisé 2 fois plus d’économies que l’État entre 2015 et 2017. La dette publique est ainsi constituée à 80.2% par la dette de l’État, contre 9.3% seulement par les collectivités (et 10.5% par la sécurité sociale). Si le montant de notre déficit public, encore supérieur à la cible européenne de 3% du PIB, demeure un sujet de préoccupation, il ne faut pas oublier que les collectivités ont déjà pris leurs responsabilités, en réduisant de 3 milliards d’euros le montant de leurs dépenses.
Dès lors, les nouveaux efforts d’économies demandés, de l’ordre de 13 milliards d’euros d’ici 2022, apparaissent totalement disproportionnés et risquent de mettre à mal la libre administration et l’autonomie financière des collectivités locales.
2) Et des élus locaux en voie de marginalisation
Acteurs de proximité et accessibles, les élus locaux contribuent au rapprochement des citoyens avec l’administration. En diminuer le nombre, tel que le Gouvernement l’a annoncé, relève du non-sens, d’autant plus que les économies escomptées semblent bien modiques. En effet, d’après l’Association des Maires de France, sur les 608 000 élus que compte la France, 450 000 exercent leur mandat bénévolement, que ce soit au sein des conseils municipaux, départementaux ou régionaux.
De façon globale, l’absence de vision d’ensemble des évolutions apportées aux budgets locaux contribue à dégrader la qualité du dialogue entre les collectivités et l’État, ce qui est une pratique pour le moins contraire à l’esprit de la décentralisation. Le paysage institutionnel local est le gage de l’équilibre de notre République !
Aussi, il convient de rester attentifs et vigilants face à la nouvelle vague d’économies annoncée dans un avenir immédiat. Bien qu’empruntant une sémantique plus soignée par des décrets procédant, non plus à des annulations de crédits, mais à de simples « refroidissements », il ne fait nul doute qu’elle aura des conséquences désastreuses pour nos territoires et nos habitants.
Dans le cas où il ne serait pas possible de s’y opposer, compte tenu de la majorité écrasante des députés « En marche » à l’Assemblée nationale, il nous faudra, a minima, œuvrer pour obtenir un échelonnement raisonnable de toutes ces dispositions gouvernementales.
André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin