Vous trouverez, ci-dessous, une tribune que j’ai
rédigée avec deux autres de mes collègues sénateurs et membres de la commission des affaires européennes :
Qui connaît Frontex ?
L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes – c’est son nom officiel –, soutient les États membres dans la protection des frontières extérieures de l’Union européenne : un rôle essentiel donc, pourtant méconnu même si la crise migratoire de 2016 a accru sa visibilité et conduit à renforcer son mandat ! Créée en 2004 et siégeant à Varsovie, Frontex contribue à garantir la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen, liberté qui est à la fois un acquis fondamental de la construction européenne et une valeur à laquelle la grande majorité des Européens sont légitimement très attachés. Ils en mesurent encore plus le prix dans le contexte actuel de la pandémie qui les prive de cette liberté.
Actuellement, Frontex affronte une double crise. Une crise sanitaire d’une part, avec les contrôles imposés par l’épidémie de Covid-19, aujourd’hui mais aussi demain, pour ne pas réimporter l’épidémie quand elle sera en voie de résorption en Europe. Une crise géopolitique d’autre part, avec la pression migratoire qu’exerce la Turquie sur l’Union européenne en menaçant de ne plus réguler le flux de migrants à la frontière, au mépris de l’accord conclu en 2016. Fin février-début mars, 20 000 migrants hébergés en Turquie se sont ainsi présentés aux frontières terrestres et maritimes grecques ; moins de 2 000 les ont franchies, dans un contexte parfois violent tout à fait inédit. La situation a pu être maîtrisée, en partie grâce à l’aide que Frontex a apportée aux autorités grecques. En dépit du confinement, Frontex a déployé 900 de ses garde-frontières équipés de protections sanitaires sur le terrain, dont 600 en Grèce – priorité du moment –, pour assurer la protection des frontières extérieures européennes. La gestion de ces deux crises concomitantes est un véritable défi pour Frontex : pas question de réduire les contrôles de sécurité pendant le confinement, d’autant que le virus n’a tué ni la criminalité organisée ni le risque terroriste…
Toutefois, comment Frontex peut-elle durablement relever ces défis si ses moyens sont rabotés ? Fabrice Leggeri, son directeur exécutif – français –, a tiré la sonnette d’alarme devant la commission des affaires européennes du Sénat qui l’entendait le 8 avril : la Commission européenne proposait d’allouer à Frontex 11 milliards d’euros sur les années 2021 à 2027, mais les Présidences finlandaise puis croate du Conseil de l’Union européenne ont depuis proposé de réduire ce budget de moitié.
Ce serait une erreur majeure. Soyons cohérents : dès lors que les frontières intérieures de l’Union sont abolies, les frontières extérieures de l’Union deviennent celles de chaque État membre. En tant que parlementaires nationaux, il est de notre responsabilité d’appuyer la constitution du corps européen de 10 000 garde-frontières et de garde-côtes, prévue pour 2027 : le premier service en uniforme de l’Union européenne ! Frontex a déjà reçu 7 000 candidatures pour 700 postes à pourvoir en 2021, ce qui constitue un gage de qualité du recrutement.
Donnons-lui les moyens des ambitions que nous lui avons assignées ! Frontex contribue aussi au retour effectif des étrangers en situation irrégulière vers leur pays d’origine : il en va de la crédibilité de la politique migratoire de l’Union, celle-ci ne pouvant valablement accueillir que les réfugiés politiques.
L’épidémie de Covid-19 change la donne européenne, notamment budgétaire. Nous devrons tirer les leçons de cette crise inouïe qui frappe l’Union aux plans sanitaire et économique, dans l’Union bien sûr, mais aussi à ses frontières. Nous voulons une Europe qui protège tout en garantissant la libre circulation : donnons-nous en les moyens ! Sécuriser le budget de Frontex pour les prochaines années, c’est aussi un acte de solidarité européenne.
Jean BIZET, André REICHARDT et Olivier HENNO,
Sénateurs, membres de la Commission des Affaires européennes du Sénat.