Vous trouverez, ci-dessous, une tribune que j’ai rédigée :
Le Sénat vient de produire une étude relative aux ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. Elle souligne le recours de plus en plus fréquent aux ordonnances au cours des deux derniers quinquennats : une intensification de la pratique, qui entre 2007 et 2022, a connu une croissance de 118% !
Pour un exemple, lors de l’examen du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, l’article 7 du texte initial prévoyait une demande d’habilitation par le Gouvernement de pouvoir « réécrire, par voie d’ordonnance, les dispositions législatives du code de l’artisanat afin d’en clarifier la rédaction et le plan », avec la faculté en outre « d’actualiser les dispositions applicables aux départements de la Moselle, du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, en procédant aux adaptations nécessaires ».
La première lecture de ce texte s’est faite au Sénat et, en tant que parlementaire attentif au droit local, j’ai déposé un amendement de suppression de cet article mais celui-ci n’a pas été adopté.
En l’occurrence, il s’agissait pour le Gouvernement de demander une habilitation à légiférer, visant expressément l’ensemble du code de l’artisanat, ainsi que ses spécificités ayant trait au droit local. C’est ainsi un pan entier de notre droit qui était concerné par cet article !
Si les ordonnances peuvent être un moyen de faire avancer l’état du droit, elles sont aussi un moyen de déshabiller le Parlement de son pouvoir législatif, et peuvent être perçues comme une volonté pour l’exécutif « de faire lui-même la loi », voire comme un déni de démocratie.
Désormais, pratiquement tous les projets de loi contiennent des demandes d’habilitation, au prétexte de vouloir aller vite. N’oublions pas qu’elles devraient rester exceptionnelles !
Il convient donc d’être particulièrement attentif à ce recours abusif aux ordonnances, spécialement quand il s’agit de droit local, car c’est souvent au détour d’un article que le droit peut ainsi être amené à être modifié, d’autant plus que majoritairement, les ordonnances prises par le Gouvernement ne donnent plus systématiquement lieu à une ratification express par le Parlement comme l’exige pourtant l’article 38 de la Constitution !
Article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre, par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l’exception du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin