Le projet de loi constitutionnelle sur la Corse

Pour votre information, voici une tribune que j’ai rédigée :

Le projet de loi constitutionnelle sur la Corse : De qui se moque-t-on ?

Le Premier Ministre vient donc de décider de présenter à la rentrée prochaine au Parlement le projet de loi de révision constitutionnelle sur la Corse.

D’une part, celui-ci reconnaît l’existence d’une « communauté corse, historique, culturelle et linguistique ayant développé un lien singulier à sa terre ». D’autre part, il habilite l’Assemblée de Corse à adapter les lois et règlements en toutes matières et lui confie l’ensemble de la compétence normative dans les domaines qui sont les siens.

En cela, ce projet de loi ne tient compte d’aucune des modifications que le Conseil d’État proposait d’y apporter.

À la lecture de ce texte, force est au Sénateur alsacien, Président du Mouvement pour l’Alsace que je suis, de poser la question qui s’impose :

« De qui se moque-t-on ? »

Est-ce de la population corse, de celle d’Alsace, des deux, des institutions… ? Assurément de tous. Malheureusement !

De la population corse en premier lieu, bien entendu ! Car, faute d’intégrer à tout le moins les modifications demandées par le Conseil d’État, on sait bien que ce projet de loi constitutionnelle ne sera pas voté en l’état par le Sénat. En effet, le Président Gérard Larcher a déjà clairement fait connaître son opinion à cet égard par une lettre ouverte adressée au Président de la République.

De plus, s’agissant d’une proposition de modification constitutionnelle, celle-ci doit être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis adoptée par la majorité des 3/5e au Congrès.

La déception sera d’autant plus grande pour l’Assemblée de Corse que, en refusant de prendre en compte les modifications souhaitées par le Conseil d’État, on lui aura laissé croire que le vote du texte d’origine sera de toutes les façons acquis au Congrès.

Mais on se moque également de la population alsacienne ! Faut-il rappeler ici que dans 5 sondages successifs, les 2/3 de celle-ci ont exprimé le désir de retrouver une Région Alsace hors du Grand Est ? En mai dernier, ils étaient même 72 % à revendiquer cette Région ! Or, au moment-même où l’on saisit le Parlement d’un texte intitulé « Pour une Corse autonome au sein de la République », quelle suite les plus hautes autorités de notre pays donnent-elles à cette demande alsacienne ?

Aucune !

Par lettre du 24 juin dernier, le Président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) et 12 parlementaires alsaciens avaient une énième fois demandé au Président de la République de soutenir leur demande d’un projet de loi répondant aux attentes de cette majorité d’Alsaciennes et d’Alsaciens. Copie avait également été transmise au Premier Ministre et au Ministre chargé de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation.

En Alsace, faut-il le préciser, il ne s’agit que d’une demande d’expérimentation territoriale, qui ne réclame pas l’autonomie, ne nécessite aucune révision constitutionnelle, simplifiera l’organisation du service public vers plus de proximité et de lisibilité pour les citoyens et permettra de vrais gains de gestion estimés aujourd’hui à 100 millions d’euros par an.

Or, ce n’est qu’en date du 6 août dernier, en l’absence de réponse du Président de la République, qu’un mail du Chef de Cabinet du Premier Ministre répond enfin que celui-ci « ne manquera pas de transmettre ce courrier au Premier Ministre » et que « compte tenu de l’objet de la correspondance, celle-ci a été adressée à François Rebsamen, Ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, afin qu’il en prescrive l’examen et tienne ses auteurs directement informés de la suite qui lui sera réservée ». Bien entendu, ce dernier ministre avait déjà été sollicité à cet égard plusieurs fois par les signataires dans le passé, sans succès…

Dès lors, face à ce mépris des plus hautes autorités de l’État pour les élus locaux concernés en Alsace, le projet de loi constitutionnelle sur la Corse constitue une vraie provocation pour les Alsaciens.

En outre, sur le fond, que penser de l’octroi d’un réel pouvoir normatif à l’Assemblée de Corse alors que le droit local alsacien-mosellan ne peut désormais plus évoluer librement ?

Tout cela n’est pas sérieux et même irresponsable !

In fine, la déception corse à venir et l’énorme frustration alsacienne actuelle ne resteront pas sans conséquences aux prochaines échéances électorales. Il reste à espérer que, cette fois-ci, celles-ci auront été anticipées par leurs auteurs !!

André REICHARDT, Sénateur du Bas-Rhin et Président du Mouvement pour l’Alsace

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